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.Maraîchage participatif Apprentissage de la terre:
De la Franche Comté au Bono.
Entretien avec Edouard Lolli (par E. Breugghe Mai 2021)
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Edouard, peux tu nous raconter ta formation de maraîcher?
La formation que j'ai reçu tenait plus de l'esprit de la ferme vue comme un projet global et inclusif que de l'esprit de la révolution verte, spécialisé, productiviste et sans considération aucune pour l'environnement.
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.C'est à cette époque que le modèle de la ferme familiale traditionnelle a commencé à voler en éclat pour quasi disparaître. C'est un modèle qui avait ses limites mais qui était un écosystème global assez autonome dans la mesure où il y avait peu d'intran sinon aucun, recyclant les déchets de la ferme, et considérant celle-ci comme un tout incluant à la fois son environnement, ses champs, ses bêtes, sa production céréalière et maraîchère ainsi que ses habitants.
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un écosystème global assez autonome dans la mesure où il y avait peu d'intran sinon aucun, recyclant les déchets de la ferme, et considérant celle-ci comme un tout
Ainsi, dans notre formation, si nous nous spécialisions dans un domaine particulier (pour moi le maraîchage), nous nous formions cependant à toutes les composantes du système ferme avec plusieurs ateliers de production, dans cette conscience d'une unité écologique globale.
Nous avions la possibilité de nous former au maraîchage, à l'élevage, à la géobiologie, à l'apiculture, à la taille des arbres, aux petits fruits et aux PPAM(plantes à parfum aromatique et médicinal) ainsi qu'à tout ce qui concernait les études de territoire, la gestion, la comptabilité... C'est cette porosité entre les différents domaines, cette conscience de leurs interactions, de leur interdépendance, qui a guidé mon choix pour cette formation.
D’autant plus que ce qui nous était proposé nous permettait d’être autonome dans notre capacité à faire nos propres choix.
Puis j'ai monté un premier projet en Franche Comté.
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Quel était ce projet? Peux tu nous en dire quelques mots?
L'idée de fond était de trouver un projet qui fasse sens, qui soit porteur de valeurs: le partage, la solidarité, l’entraide, l’égalité ...
Des valeurs phares autour d'un projet alimentaire global, tenant compte à la fois de l'environnement naturel et du contexte social et culturel local.
Un projet qui permette de nous réunir, de nous donner l'occasion d'échanger, de partager, de se rencontrer, de penser et d'établir de nouveaux rapports entre ce que nous nommons traditionnellement les producteurs et les consommateurs. Je voulais que ces differents acteurs comprennent leur inter-dépendance.
Je voulais non pas produire pour les autres mais avec les autres, en leur laissant la possibilité d'inter-agir tout au long du processus de production et de distribution des légumes.
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Un projet qui permette de nous réunir, de nous donner l'occasion d'échanger, de partager, de se rencontrer, de penser et d'établir de nouveaux rapports
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Je ne cherchais pas tant des consommateurs que des partenaires, des gens responsables et conscients de leurs responsabilités vis à vis de leur environnement naturel et social, conscients de la valeur de leurs interactions dans le processus de production alimentaire. Je voulais qu'ils puissent s'investir tant financièrement que physiquement et moralement dans cette aventure, dans le respect de leurs possibilités physiques, morales et financières.
Je ne voulais pas être un producteur de légumes avec des consommateurs passifs mais un partenaire, responsable avec d'autres, d'une chaine de production alimentaire commune.
Je souhaitais construire un rapport qui ne soit plus basé sur la consommation mais sur la coopération dans la production, construire ensemble un modèle agricole participatif riche en interaction sociale et en échange, un projet agricole auto-organisé où producteurs, productrices et consommateurs, consommatrices prennent les décisions ensemble.
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Je souhaitais construire un rapport qui ne soit plus basé sur la consommation mais sur la coopération
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Quelles sont les conséquences de ces changements de rapport qui dépassent le cadre traditionnel producteur consommateur?
En devenant partenaire, nous pouvions, ensemble, se réapproprier une partie des moyens de production.
Quand on parle des moyens de production, on pense évidemment à la terre, au sol, aux outils, mais ils ne constituent que la face émergée des moyens de production. Si ils en sont le nécessaire corollaire, ils n'en sont cependant pas les seuls dépositaires. Les moyens de production, ce sont aussi les moyens financiers, l'organisation sociale, les moyens humains, les savoirs faire.
Ma proposition de modèle agricole était donc en fait une question de fond: dans quel monde voulons nous vivre? Ce projet de maraîchage dépassait, en ce sens, la simple production des légumes pour s'intéresser plus profondément aux rapports humains.
Quelles interactions sociales, quelles valeurs, que voulons nous vivre ensemble? Le projet alimentaire que je voulais expérimenter était donc avant tout un projet humain qui tournait autour d'une notion phare: celle de la responsabilité et du pouvoir d'agir de chacun....
Nous avons toutes et tous un rôle à jouer dans le système de production que nous souhaitons pour notre société. Nos actions et nos choix de consommation (passive ou participative), nous engagent et déterminent le monde que nous voulons vivre bien plus profondément que nous ne l'imaginons.
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Ma proposition de modèle agricole était donc en fait une question de fond: dans quel monde voulons nous vivre?
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Comment s'est construit le projet? Quelle structure lui avez vous donné?
Tout d’abord le projet fut construit avec un groupe de personne: cela représente un travail de 2 ans. Nous avons choisi de prendre un modèle basé sur les principes des AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysannne).
L’organisation de l’AMAP étant basé sur la libre association non déclarée et sur la rotation des tâches. Elle est un groupe composé de 2 entités inter-dépendantes: le producteur et l'AMAP.
Dans le cadre de cette AMAP, nous avons opté pour une prise de décision à l’unanimité. Cela nous paraissait la meilleure option permettant la considération de chacun et chacune. Ce procédé nous obligeant à atteindre le consensus comme émergence d’une nouvelle idée née d’un débat.
Néanmoins ce système a ses limites (comme tout système). Le vote à la majorité: dictature de la majorité. L'unanimité: dictature de la minorité.
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Nous avons opté pour une prise de décision à l’unanimité. Cela nous paraissait la meilleure option permettant la considération de chacun et chacune.
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.Concrètement, comment cela se passait il?
La problématique d’un accès égalitaire à la nourriture était centrale dans ce projet, tout comme l’autonomie de la production.
C’est pourquoi nous avions opté pour trois types de parts (partage de la récolte) :
-des parts solidaires (tarif plus faible),
-des parts soutiens qui financent les parts solidaires.
-des parts normales.
L’ensemble des parts me permettant d’atteindre mon objectif de revenus. Mon revenu étant fixé non pas sur le rendement mais sur mes heures travaillées.
La question du revenu du producteur et de son temps de travail étant au coeur du système AMAP.
A la problématique du temps de travail, le collectif avait la charge de la distribution. C’est à dire que je livrais les légumes dans une librairie ; ceux ci étant réceptionnés et répartis à chacun chacune.
Des chantiers participatifs étaient organisés. Cela me permettant de diminuer mon temps de travail et de faire des investissements progressifs qui m’ont permis de ne pas avoir de recours à l’emprunt et donc de garder une part d’autonomie.
De plus ces chantiers étaient un biais de transmission de savoir. Associée aux discussions sur mes choix de production, économiques, juridiques et fiscaux (au fonctionnement global d’une ferme, d’une exploitation agricole) l’AMAP pouvait acquérir des connaissances qui lui permettent de faire des choix éclairés. A mon sens cette capacité à décider est une des bases de la responsabilité et un grand pas vers l’autonomie.
Les consommateurs et consommatrices participent donc davantage à la production et en ont la responsabilité comme le producteur ou la productrice.
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A mon sens cette capacité à décider est une des bases de la responsabilité et un grand pas vers l’autonomie.
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.Tu as quitté la franche comté pour venir t'installer au Bono. Tu as mis en place une structure pour transmettre les savoirs fondamentaux afin de permettre à chacun de pouvoir à nouveau cultiver une partie de ses fruits et légumes. Où en es tu de ce projet?
Suite à la révolution verte et à la disparition progressive des fermes traditionnelles, au profit d'exploitations agricoles spécialisées et littéralement déconnectées du système terre, il y a eu une rupture dans la chaine de transmission des savoirs.
J'ai donc eu l'idée de proposer un partenariat à la demande, ponctuel ou prolongé, en individuel ou en groupe, pour accompagner et développer les projets alimentaires de chacun et chacune, avec des apports pratiques et théoriques.
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si Vous souhaitez contacter Edouard Lolli, n'hésitez pas à nous contacter.
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